POLITIQUE : Article du Populaire du centre du 22 février 2021
Il y a deux ans, débutait le Hirak, le mouvement populaire algérien qui a fait tomber Bouteflika
UN REGARD. Karim Tamine, président de l’association Cultures Maghreb Limousin.
Sarah Younan
Il y a deux ans, le 16 février 2019, dans le village de Kherrata, en Kabylie, est né le mouvement populaire du Hirak. Karim Tamine, universitaire et président de Cultures Maghreb Limousin, nous décrypte la situation dans l’Algérie d’aujourd’hui. Après deux décennies sous le joug d’un président qu’ils jugent corrompu et autoritaire, les Algériens ont dit stop ! Huit ans après les printemps arabes, c’est autour du peuple algérien de faire tomber les masques d’un système qui s’est enrichi sur son dos.
L’universitaire et président de l’association Cultures Maghreb Limousin, Karim Tamine, tente de faire la lumière sur la situation politique en Algérie en interrogeant le passé. Son association, s’efforce, depuis 2004, de créer des passerelles entre les cultures maghrébines et limousines. Avec cette idée de pouvoir montrer le Maghreb sous un regard universel surprenant.
« Bouteflika avait concentré un certain pouvoir sur lui mais ce n’est qu’un élément dans le fonctionnement global du système algérien depuis l’indépendance en 1962. Avant Bouteflika, il y avait aussi une marionnette », explique, Karim Tamine.
S’il n’est qu’un rouage du système politique algérien, pourquoi, Bouteflika, est-il rendu responsable de tous les maux du pays ? « Il est arrivé au pouvoir en 1999 dans une conjoncture économique extraordinaire. Le baril de pétrole était à 150 dollars, les caisses de l’État étaient pleines. L’argent a servi à arroser tous les opposants, les démocrates comme le Front Islamique du Salut (FIS). Le peuple algérien a fini par comprendre qu’on avait eu une occasion de réformer les institutions mais que tout
avait été dilapidé. »
Quand l’Histoire se répète
Le premier volet du sursaut démocratique algérien a lieu en 1988. Portée par la jeunesse, une mobilisation sans précédent, depuis l’indépendance en 1962, s’empare du pays et met fin à vingt-sept ans de régime dictatorial sous le parti unique du Front de libération nationale (FLN). « C’est la première prérévolution. Toutes les revendications politiques et libertaires que l’on retrouve encore aujourd’hui – liberté d’expression, démocratie, laïcité – étaient déjà là. » La population vote massivement le 3 novembre 1988 pour le changement de constitution. Une « reconnaissance démocratique de façade » qui ne transforme pas en profondeur le régime.
Une brève récréation politique
Avec l’ouverture au multipartisme, les Algériens ont pu connaître de 1989 à 1992, la libération de la parole. « Tout le monde s’exprimait, dans les journaux, à la télévision, on se croyait en France. Sauf que la structuration de la pensée, de l’échange politique, n’est pas une culture chez les Algériens. »
Et ce qui devait arriver, arriva. Le FIS gagne les élections législatives, grâce à un discours rassurant et centralisé autour du Coran. Profitant de l’entre deux tours, le pouvoir prend peur et stop le processus électoral en 1992. « Le président de l’époque, Chadli, est mis à la porte par les militaires. Et ça a été le retour de la dictature. »
Une révolution jamais vue
Si ce Hirak d’aujourd’hui est la continuité des précédents, qu’a-t-il de différent des autres mouvements ? « Pour moi c’est une révolution comme aucun pays arabe n’en a vu. Il y a eu une tentative en 2011 dans les pays arabes mais ça a échoué. » L’année dernière le mouvement a été contraint de faire une pause, à cause de la crise sanitaire. Une aubaine dont le pouvoir n’a pas hésité à se saisir. « Tous les vols à destination de l’Algérie sont fermés mais la cohésion entre ce qui se passe en Algérie et ce qui passe en France est malgré tout présente. »
Même si la majorité des actions de soutien se déroulent à Paris, le mouvement populaire ne se résume pas au nombre de personnes dans la rue, c’est tout un écosystème intellectuel qui se met en marche pour tourner le dos au passé.