Le
Comité de Limoges, entouré des Élus et accompagné d'une délégation
d'élèves du lycée Gay-Lussac de Limoges, a célébré ce mardi 19 mars 2019 la fin des hostilités de la
guerre Algérie, Maroc, Tunisie.
Jean-Louis
Beullé, président du comité de Limoges, a ouvert cette cérémonie puis
élus, camarades et historien ont successivement lu des textes rappelant
au souvenir
ceux qui ont perdu la vie pendant ce conflit.
Les élèves du lycée Gay-Lussac ont à leur tour honoré la mémoire des disparus en lisant un texte historique et le message du Comité National de la FNACA.
L'accent a été mis sur le
fait que, de nos jours, ce devoir de mémoire doit avant tout rapprocher
les jeunes de ces pays pour faire passer le message universel de paix, d'amour et d'amitié.
Retour en images sur cette cérémonie
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Lettre ouverte aux Limougeauds (extraits)
19 mars 2019
Lettre ouverte aux Limougeauds « Morts
pour la France » en A.F.N.
Vivre en Limousin quand on a 20 ans,
dans les années 1950-1960, c’est assurément mener une existence sereine dans
l’immédiate après-guerre. On peut parler « de douceur de vivre » au
pays de l’arbre et de l’eau et la Vienne, majestueuse, arrose la cité de la
porcelaine.
Célèbre dans le monde entier pour
l'industrie porcelainière et les manufactures de chaussures, Limoges est une
ville ouvrière connue pour ses luttes syndicales au début du vingtième siècle. Il
n'y a que deux établissements scolaires réservés à quelques-uns, le lycée
Gay-Lussac pour les garçons et le lycée de jeunes filles pas encore appelé
Léonard Limosin. Les enfants issus du milieu paysan passent leur certificat
d'études primaires, tout comme les fils d'ouvriers, d'employés ou de
commerçants dans les villes, puis partent se frotter à la dure réalité du monde
du travail qui est de 48 heures par semaine...
Dans ce monde d'après-guerre qui se
reconstruit, on apprécie la paix, mais là-bas, tout là-bas, en Indochine, dès
1946, c'est une autre guerre qui démarre, mais c'est loin, à l'autre bout du
monde. A partir de 1952, les attentats se multiplient en A.F.N. mais on attend…
L'assassinat de Guy MONNEROT le
premier novembre 1954, ce jeune instituteur de 23 ans parti enseigner dans un
coin perdu d'un département français déshérité, étonne, surprend, et plonge les
Limougeauds dans le désarroi. Depuis quelques temps déjà, certains appelés du
contingent sont dirigés vers le Maroc et la Tunisie.
François MITTERRAND, ministre de l'intérieur,
tape du poing sur la table
et Pierre MENDÈS-FRANCE, Président
du Conseil, affirme
que « La France n'abandonnera
jamais l'Algérie ». Peu à peu, les conscrits sont appelés directement sur cette
terre pour maintenir l'ordre dans des départements français.
Les actualités évoquaient 1'Algérie
et auraient presque donné envie de partir tout de suite corriger ces bandits,
ces égorgeurs qui massacraient une Algérie française si belle.
A la fois épine dans le pied et
poignard dans le dos, 1'Algérie va conditionner totalement la vie des garçons
de 20 ans. Mariage, engagements personnels, installation professionnelle, tout
va dépendre de cet incontournable service militaire en Algérie et d'un retour
aléatoire.
Personne ne peut supposer encore
qu'entre 1954 et 1962, tous les jours, toutes communautés confondues, ce seront
110 personnes, numériquement parlant, qui vont mourir et parmi celles-ci, 10
soldats français qui vont tomber sur le sol algérien, chaque jour, pendant 8
ans.
Sans rechigner, à un moment qui participait
alors au destin de la France, de son Histoire, tous les garçons de 20 ans, ou
presque, iront défendre la France en Algérie dont 37 originaires de Limoges ne
reviendront pas dans une métropole indifférente. Là-bas, c'est la guerre et on
meurt. Ici, on travaille et on s'amuse et on ne veut pas savoir sauf si l'on
est concerné...
A Limoges, avant de partir en
Algérie ou au cours d'une permission, on se rend au café Le Trianon ou au
Paris. Le samedi soir ou le dimanche après-midi, on va danser au Faisan ou à La
Paix, mais certains préfèrent la Salle des Mutilés où il y a bal le jeudi soir.
En allant fracasser leur innocence
sur les murs de la casbah, sur les roches des Aurès ou de Kabylie, certains
reviendront traumatisés dans un monde qui va les engloutir. La fiancée,
l'épouse, la mère ne reconnaît plus le garçon romantique, jovial, tel qu'il
était 2 ans auparavant. On ne se reconnaît plus, on ne se retrouve plus …
Le 19 mars 1962 annonce la fin du
conflit et ce sont les Mémoires de toutes les victimes qui sont reconnues pour
ce « jour de recueillement et de souvenir
».
Pour les appelés du contingent, cela
annonçait la fin du cauchemar, la fin de 1'Algérie, le retour à plus ou moins
long terme en métropole. Moins chanceux que leurs camarades qui sont là pour
penser à eux, ils ne connaîtront pas la transformation de leur ville, jadis
grise, et aujourd'hui remplie de lumières et embellie par de superbes massifs
floraux.
Aujourd'hui, 19 mars 2019,
rassemblés autour de cette date, souvenons-nous, recueillons nous…
Lecture par Monsieur
Jean-Pierre GAILDRAUD